"Les lycéens jouent à remonter le temps de leur histoire familiale"

"Les lycéens jouent à remonter le temps de leur histoire familiale"

par Fanny Delporte -

Jean-Mace

Article signé Fanny Delporte, publié le 4 janvier 2016 dans Le Parisien.

Une cinquantaine de lycéens, de Jean-Macé et du microlycée, ont démarré un projet théâtral qui va durer deux ans avec la compagnie des Piqueurs de Glingues, en résidence au théâtre Jean-Vilar jusqu'en 2017.

« Pour toi, mon pépé. Pourquoi tes histoires au sujet de la guerre avaient-elles l'air si marrantes ? Cela ne m'empêche pas de vivre, mais d'avancer. J'ai peur de savoir que tu as ôté des vies pendant la guerre. Signé, ta descendance ». Le soir du 11 décembre, des lycéens de Vitry - de Jean-Macé et du Microlycée 94, qui accueille des jeunes décrocheurs - ont lu sur scène des lettres adressées à leurs aînés, qu'il les ait connus ou non.

L'objet ? Les drames, historiques ou personnels, vécus dans leur famille. Avec, entre les lignes, l'influence de ces conflits dans la construction de leur propre identité.

C'est le thème abordé par la Trilogie d'Alexandre, une pièce écrite par Hugo Paviot, l'auteur et metteur en scène de la compagnie parisienne des Piqueurs de Glingues qui a travaillé avec ces jeunes pour un projet intitulé « Et crie-moi… demain ! ».

« Ce qui m'intéresse, explique-t-il, c'est de parler du ressenti des élèves. Ce n'est pas un travail d'enseignant. Après quinze années à mener des actions culturelles, je suis persuadé qu'il faut être au plus proche de l'élève, de ce qu'il ressent : plus on l'autorise à libérer une parole lourde, plus il s'en empare ». Au théâtre, il a trouvé ces élèves « bluffants ». Certaines lettres abordent aussi les attentats de Paris et de Saint-Denis. « Quelles étaient tes valeurs, de quoi était composé ton idéal ? interroge un jeune. Tu ne sais même pas que j'existe. Nous traversons un moment important de l'Histoire, dans lequel ton vécu m'aurait été utile. »

Il aura fallu beaucoup de temps et de larmes pour en arriver là. La semaine précédente, les élèves du micro-lycée ont passé six heures par jour à écrire pour parvenir à ce résultat. Car le but du projet est aussi de « raccrocher » les élèves, de leur donner envie de s'investir au lycée, explique Hugo Paviot.

La soirée au théâtre Jean-Vilar n'était qu'une toute première étape : ce travail doit durer deux ans. En février, les lycéens participeront à des ateliers d'écriture avec les résidents de foyers de retraités et des associations de migrants. Une manière de lutter contre l'isolement. « Ce ne seront pas forcément des personnes qui ont vécu directement les conflits », précise Hugo Paviot, puisque l'idée reste de travailler sur la notion de « ressenti ».

En avril, les seniors viendront lire leurs lettres au Microlycée. En septembre, des ateliers d'écriture à quatre mains entre les jeunes et les seniors seront organisés. In fine, « Et crie-moi… demain ! » sera raconté à travers un reportage photo, une exposition, et l'édition d'un livre retraçant tout le projet.

Pour la Compagnie, d'une certaine manière, le succès est déjà là. Tous les lycéens impliqués dans le projet étaient présents lors de la lecture le 11 décembre. Sur les bancs du Microlycée aussi. Car la semaine qui a précédé la représentation au théâtre, tous les élèves de l'établissement investis dans le projet sont venus - et ce n'était pas nécessairement évident - passer leur bac blanc.

 

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